Reconstruction post-tsunami

, par Françoise Levesque

Compte-rendu d’une visite rapide à Kariyandal et à Erukatancherry et Chandrapadi où nous avons soutenu un programme de reconstruction post-tsunami avec l’aide de la Fondation de France.

Début janvier, quelques membres de DEMAINS (Dominique et Françoise Levesque, Arlette Monjarret) profitent d’un voyage en Inde pour rencontrer Xavier Mariadoss, directeur de l’ONG indienne PCTC (www.pctck.org) et Samuel Santhosham, directeur de l’ONG indienne TREE. Nous sommes en relation avec Xavier Mariadoss non pas parce que nous soutenons actuellement les projets de PCTC — nos moyens limités ne nous le permettent pas — mais parce c’est par son intermédiaire que nous est parvenue début 2005, une demande d’aide pour le village de Chandrapadi, ravagé par le tsunami. A cause de son expérience dans le domaine du handicap, Xavier Mariadoss avait été appelé dans la région de Nagapattinam juste après le tsunami pour coordonner les ONG locales qui tentaient de venir au secours des blessés.

On peut lire dans le bulletin de PCTC (People’s Craft Training Center), 2005-2006, qui a pour titre Vers une indépendance collective, une brève revue de toutes activités de cette ONG :
 en faveur des personnes handicapées
 pour la promotion et le soutien des groupes d’entraide et l’émancipation des femmes
 dans la reconstruction après le tsunami.
Xavier Mariadoss réfléchit actuellement à 4 grands projets de développement à long terme (à Kariyandal) :
 création d’un centre commercial
 création d’un cyber café
 création d’un centre de tourisme social, avec guide pour visiter les environs, cuisine indienne, massages, médecine ayurvédique…
 enfin, une formation à l’informatique , démarrée il y a un an, dont le but à long terme est de développer une activité de Business Project Outsourcing (BPO), c’est à dire de sous-traitance informatique pour des entreprises étrangères.
En parlant avec lui, j’ai senti que son souci, ce qu’il considère comme son devoir ou sa vocation, est de réfléchir aux possibilités de développement à long terme. Il pense que l’argent est loin d’être déterminant, même s’il est nécessaire au départ, et qu’ensuite c’est la formation et l’investissement humain qui sont primordiaux.

Ce vendredi matin 5 janvier 2007, nous commençons par la visite de la ferme. Cette ferme de 6 hectares a été créée en 1998 dans un double but : promouvoir une agriculture biologique, sans engrais chimiques, et donner du travail à des handicapés mentaux.
Nous voyons des arbres fruitiers divers (govas, citrons, mangues, chicos, noix de coco, bananes, alma (un assez grand arbre au feuillage léger et dont le fruit ressemble à une groseille à maquereau, très acide et riche en vitamine C), quelques moutons et quelques veaux (pas gros, dans des prés qui paraissent petits et secs comparés aux prairies normandes), des herbes médicinales, une rizière où un petit groupe d’hommes est en train d’arracher le riz qui sera repiqué demain. Nous circulons sur les levées qui retiennent l’eau. Il n’y a pas de problème d’eau dans la région en ce moment. La ferme possède deux puits, larges de plusieurs mètres et profonds d’une quinzaine de mètres. Le second a été construit l’an dernier pour un coût de 4500 euros.

Une fois revenus dans les locaux de PCTC, nous visionnons la vidéo réalisée par Céline Darmayan (très bien faite). Nous le faisons dans la salle de formation des parents d’enfants handicapés. Cette salle accueille les parents des jeunes enfants, avec leurs enfants, une fois par semaine, le mercredi, et les parents des enfants plus âgés une fois par mois. Aujourd’hui, elle est inoccupée.
Ensuite, nous voyons, à côté, la salle de kinésithérapie (physiotherapy), inoccupée aussi. Le matériel est varié avec un assez grand nombre de jeux dont certains ont été réalisés par des volontaires étrangers.
Dans la salle voisine, il y a cinq handicapés mentaux, tous d’âge scolaire (j’estime leur âge entre 8 et 16 ans) avec quatre personnes à leur service. Assis tous les cinq les uns à côté des autres, ils sont occupés à réaliser des puzzles en bois ou des jeux très simples d’enfants de 2 ou 3 ans, qui consistent à assortir des formes, des couleurs, des tailles. Quand ils réussissent, ils ont un grand sourire de fierté et se tournent vers nous en quête de félicitations. Dès qu’ils ont terminé un jeu, on leur en donne un autre. Ils n’ont pas le temps de s’ennuyer et n’ont pas du tout l’air malheureux. En est-il toujours ainsi ou est-ce seulement en ce moment, à cause de la présence des adultes qui s’occupent d’eux eux ? parce que nous sommes là ? — Non, dira Svetlana Sauvage qui a vécu un mois à Kariyandal l’été dernier, ce n’est pas toujours comme ça.

Puis nous allons voir l’atelier de formation professionnelle pour les handicapés. En fait, nous ne visitons pas l’atelier mais passons tout notre temps au magasin à faire des achats : cartes de vœux (c’est l’époque !), enveloppes, classeurs, broderies, bijoux en argile…

Après quoi, quand toutes les factures sont remplies (ce qui prend du temps) et payées, nous allons voir l’atelier de matériel orthopédique. On y fabrique des sièges, des supports adaptés, des attelles articulées — avec des tuyaux en PVC et des plaques de polyvinyle et le résultat ressemble tout à fait à ce qu’on fait chez nous (ce qu’on faisait il y a vingt ans, quand notre fille était enfant). On y fabrique aussi tous les jouets éducatifs utilisés au centre, essentiellement en bois.

Nous visitons ensuite les pièces consacrées à la médecine ayurvédique : salle de consultation, salle de soins, pharmacie. La visite est accompagnée par monsieur Kirubakaran, docteur Siddha (médecine ayurvédique + yoga). Je lui achète un petit pot de thé spécial et un sac de feuilles de curry en poudre, deux achats dont, à l’usage, je serai très contente.
Nous terminons la visite par la salle informatique. C’est la première année de fonctionnement de cette formation. Il y a 14 étudiants, dont 5 viennent de “scheduled classes” (castes défavorisées) et une élève handicapée. Chaque étudiant a son ordinateur, un PC moderne. Leur professeur est une toute jeune femme qui a fait ses études dans la région.

La visite une fois terminée, nous fermons nos valises, faisons provision d’eau filtrée, Xavier repasse chez lui, et nous prenons tous la route de Tranquebar (Tharangambadi), à un peu moins de 300 km de Kariyandal. Arrêt à Tiruvannamalai pour déjeuner d’un thali, dans une salle bondée.

Ensuite, dans le bus, pendant que nous roulons, je peux parler un peu avec Xavier.
Le village que nous avons aidé s’appelle Vadakku Mettu Street. Il fait partie de la commune d’Erukatancherry. C’est un village d’intouchables. Dans un premier temps, il est resté à l’écart des secours, parce qu’il ne s’agissait pas d’un village de pêcheurs mais de travailleurs agricoles et d’artisans (charpentiers, peintres…). Les maisons n’ont pas été détruites mais après le tsunami, les habitants se sont retrouvés sans ressources : les travailleurs agricoles parce que les terres sur lesquelles ils travaillaient étaient devenues impropres à la culture à cause du sel (la vague est arrivée à la lisière du village) et les artisans parce que les pêcheurs, sans ressources, ne leur donnaient plus de travail. Deux ans après le tsunami, seulement une partie des terres a été rendue à la culture (les pluies cycloniques de l’automne suivant ont aidé à la désalinisation) ; d’autres ont été reconverties : nous verrons en allant vers Chandrapadi, un très grand bassin aménagé pour l’élevage des crevettes.
Les habitants se sont donc retrouvés sans ressources pour réparer leurs maisons après le tsunami et les inondations de l’automne suivant, tandis que toute l’aide allait d’abord aux pêcheurs. Ceux-ci ont reçu une aide importante et ce n’est que 6 mois plus tard qu’on a pris conscience du dénuement des intouchables de North Metu Street.

Il y a à dans ce village, 72 familles toutes dalits (intouchables), qui ont leurs propres coutumes et sont habituées dit Xavier, à dépendre des autres. : « C’est une mentalité acquise avec les missionnaires. » (Je comprends qu’avec cette vision de choses, il ne soit pas très bien vu de sœur Thérèse, par exemple, et que sœur Théodore, indienne, trouve que nous pourrions aider d’autres ONG, plus petites, moins connues.) « You must keep on hammering » : il faut insister et insister, dit Xavier.
Je l’interroge sur la limitation des naissances, si contraignante en 1976.
« Birth control is proposed by government. It is not like in China. »
La limitation des naissances a du mal à s’imposer aux pauvres pour trois raisons :
1. They don’t know how many will survive.
2. The more children, the more wealths.
3. The more children, the more earnings.
C’est seulement quand ils sortent de la pauvreté que les gens limitent les naissances.
Mais à North Mettu Street, la plupart des familles n’a que un, deux ou trois enfants. (Il y a 300 personnes pour 72 familles.) Est-ce parce que la plupart des parents sont encore jeunes ?
La scolarité est obligatoire jusqu’à 14 ans.
Parce que j’ai travaillé sur le vieillissement des aciers de cuves de réacteurs nucléaires, nous nous mettons à parler de nucléaire. Xavier interroge Dominique (qui a contribué à la rédaction du livre : Le changement climatique, aubaine ou désastre ? éd. du Cerf). Je sens que Xavier est a priori contre le nucléaire (une position qui rejoint le souci écologique dont témoigne la ferme visitée ce matin) mais que cet a priori ne l’empêche pas de chercher une information objective. Dominique et lui discutent de l’ordre de grandeur des énergies qu’on peut attendre des différentes sources possibles, et du « global warming ».
En fin d’après-midi nous arrivons à Tharangambadi où nous descendons à l’hôtel Mookambigai Residency (coût 275 Rs/chambre double avec douche et TV, soit 5 euros + 5% de luxury tax). Nous dînons d’excellentes dosais.

Samedi 6 janvier, visite de North Mettu Street.
A l’entrée du village, nous attendent Samuel Santhosham, directeur de la petite association TREE (TRUST for Rural women’s Emancipation and Education), avec un ou deux de ses étudiants, et deux jeunes assistantes sociales, une, Sunitha, qui a suivi une formation à PCTC et l’autre qui doit en suivre une bientôt.
Nous visitons quelques unes des maisons du village qui ont été reconstruites avec la subvention de la Fondation de France. Toutes les maisons ont été soit entièrement reconstruites, pour un coût de 320 euros par maison, soit partiellement refaites ou simplement réparées.
Le terrain appartenait aux gens ; il n’y a pas eu de terrain à acheter.

Les murs sont en briques, recouverts d’un revêtement. Il y a quelques ouvertures, peu nombreuses, pas très grandes, sans vitres pour que l’intérieur reste aéré et frais. Elles sont protégées de la pluie par l’avancée du toit et de l’intrusion des oiseaux par une sorte de grille en ciment. Le toit est en palmes. Il doit être refait tous les deux ou trois ans. Une feuille de palmier coûte 2 Rs, il en faut une trentaine par toit. La réfection d’un toit revient donc à environ 60 Rs (à peine plus d’un euro). A l’intérieur des maisons, le sol est en dur. L’ameublement intérieur est très réduit : quelques couvertures, quelques ustensiles de cuisine, ni armoires, ni lits, sauf parfois un charpai (“quatre-pieds”). Les quelques vêtements (chemises d’homme, saris) de rechange sont accrochés aux poutres. On ne voit pas non plus beaucoup de provisions pour la cuisine.

Les deux premières maisons visitées ont deux petites pièces (moins de 10 m2) ; la première peut servir de cuisine mais on fait aussi (et peut-être plus souvent) la cuisine dehors, devant la maison (cf. photo n° 5). Une troisième maison, visiblement un peu plus riche, possède trois pièces. C’est là qu’on voit un charpai dans la première pièce, ce qui permet d’estimer la surface de cette pièce : un peu plus de 3 charpai, soit environ 7 m2.

Ces maisons ont été construites comme l’ont voulu leurs occupants. Comme ils ne sont pas habitués à la gestion de l’argent pour des projets à long terme, l’argent leur a été donné en plusieurs fois, après que le travail a été fait ; d’abord pour les fondations, puis pour les murs, puis pour le toit et 2500 Rs (52 euros) quand la maison a été finie.
On remarque, parmi ces gens, un homme qui paraît alcoolique. Laurent Tyers (permanent de l’association ADER à Pondichéry) nous dira que sa maison n’a pas été entièrement terminée (les murs et le toit le sont, mais pas les finitions, revêtement des murs ou du sol) et qu’il plaint sa jeune femme car le couple est un peu tenu à l’écart par le reste du village.
Xavier nous explique que l’argent, s’il résout quelques problèmes dans l’immédiat, ne résout, à lui seul ,rien dans le long terme : « Il est très difficile de les faire réfléchir à un projet et développer une communauté qui pourra être maintenue, ainsi que de leur laisser des ressources qui subsistent après notre intervention. » La difficulté pour démarrer un développement durable est d’arriver à initier un changement de mentalité. C’est le but des nombreuses réunions qui ont été organisées avec l’ensemble des villageois, l’objectif étant de les rendre indépendants, non pas individuellement mais collectivement. Pour tout projet, PCTC ou TREE s’appliquent à bien mettre en place ces trois phases : planning, exécution et évaluation.
 Planning : il s’agit de donner aux gens l’occasion de s’exprimer sur leurs problèmes, de choisir eux-mêmes leurs priorités.
 Évaluation : pourquoi un tel a-t-il construit plus vite que les autres, pourquoi tel autre a-t-il été retardé ? etc.

C’est l’implication des gens qui rend le développement durable. Au début, les villageois sont réticents. Pourquoi s’impliquer, alors que beaucoup d’associations (ONG locales, pas nécessairement internationales) donnent sans rien demander ? Ce n’est qu’à la longue qu’ils se rendent compte que c’est mieux ainsi.
Le bulletin de PCTC souligne dans l’article consacré aux groupes d’entraide dans le canton de Kariyandal que les ONG qui travaillent au jour le jour, sans stratégie pensée à l’avance pour permettre aux groupes d’entraide nouvellement constitués de devenir autonomes, perturbent les groupes qui fonctionnent.

« C’est à ses fruits qu’on reconnaît l’arbre » nous dit Samuel Santhosham pour expliquer le nom de TREE. Cette citation de l’Evangile (Mt 7,16) explique aussi ce qui le sépare de Xavier. L’inspiration du premier est laïque et davantage tournée vers l’avenir. Sa préoccupation essentielle, qui apparaît dès qu’on parle avec lui, est le long terme, le véritable développement économique qui ne sacrifie rien à l’écologie, le souci des générations suivantes. L’inspiration de Samuel est chrétienne, sa préoccupation première est de faire quelque chose pour les gens dans le présent, quelque chose aujourd’hui qui leur redonne confiance en demain. Cette différence explique quelques tensions qui ont pu apparaître entre les deux, au moment de la demande de la seconde subvention, Samuel frappant à toutes les portes pour obtenir cette subvention, et Xavier, convaincu que l’argent ne doit pas être premier, voulant prendre son temps, sans bien mesurer que la Fondation de France avait le souci de distribuer au maximum l’argent reçu pour le tsunami avant la fin de l’année 2006.
Samuel Santhosham est professeur d’histoire et d’archéologie dans un Collège catholique de Tharangambadi, c’est à dire dans ce qui correspond à nos deux premières années universitaires.

A côté de la dernière maison visitée, il y a une pompe manuelle.

Le village ne possède pas de puits. C’est un choix délibéré. L’eau n’est pas loin et pas difficile à pomper. Si on creuse trop profond, on arrive à de l’eau salée. (Il ne faut pas oublier qu’on n’est pas loin de la mer.) Donc on préfère des pompes pas chères à un puits plus profond, plus cher. Il y a plusieurs pompes dans le village, mais pas une par maison.
Nous voyons ensuite quelques veaux et surtout chevreaux qui ont été donnés à des femmes veuves (il y a 17 veuves dans le village). Je pense à la remarque de Peter Daniel sur les mérites comparés des chèvres et des buffles : « Il faut surveiller les chèvres et ce sont les enfants qui sont requis pour surveiller les chèvres parce que c’est un travail à leur portée. Mais c’est une occupation qui les empêche d’aller à l’école. » Je choisis de ne rien dire. Le contexte est peut-être différent et ce n’est pas à moi de décider à leur place. Peut-être aurais-je quand même dû poser la question ? Les enfants ont effectivement les chevreaux dans les bras, et avec bonheur semble-t-il, mais c’est la période de vacances scolaires, et, ici, on n’est pas loin des écoles, on n’est pas dans les tribus.
Nous terminons notre visite par l’unité de fabrication de cordes à partir de fibres de noix de coco. Cette petite fabrique est à l’usage de l’ensemble des femmes du village.
Quand nous arrivons, un crochet d’une machine est cassé. Cela ne l’empêche pas de fonctionner mais elle fonctionne avec un rendement moins bon. Ce crochet aurait dû être réparé ; il ne l’a pas encore été. Cela déclenche une grande discussion entre Xavier, Samuel et les hommes du village.

Xavier Mariadoss est assis à gauche et Samuel Santhosham debout à côté de lui). « The men are putting the blame on the women, as usual » dit Xavier. La discussion va vraiment durer très longtemps. An bout d’un certain temps, faute de pouvoir suivre car tout est en tamoul, nous allons voir marcher les machines. Le femmes nous en font la démonstration. Si on ne me l’avait pas dit, je n’aurais pas su qu’un crochet est cassé. Le fonctionnement de ces machines demande une certaine coopération entre les femmes. Je remarque que l’une d’entre elles est moins adroite que les autres et que celles-ci doivent périodiquement s’arrêter le temps qu’elle ait renoué le lien rompu entre la corde et le paquet de fibres. Ce sont les femmes les plus âgées qui tournent les manivelles ; elles peuvent le faire assises et ce sont elles qui contrôlent le rythme de travail.

Ces activités qui visent à fournir aux femmes un petit revenu supplémentaire, ont été initiées avec la subvention de la Fondation de France.
Le reste de l’argent donné par DEMAINS, après l’achat du terrain à Chandrapadi, a servi à créer des groupes d’entraide (coopératives de micro-crédits). Chaque groupe, d’une douzaine de personnes, a deux leaders. Une cotisation de 100 Rs (2 euros) par mois est demandée à chaque membre du groupe. Leur mise en place a demandé beaucoup d’efforts. Ce n’est qu’au bout d’une période d’essai de quelques mois que les groupes ont reçu le fonds de roulement qui permet d’amorcer le système de micro-crédits. Dans la région de Kariyandal, PCTC a soutenu 585 groupes d’entraide dont certains ont très bien réussi, obtenant des aides importantes du gouvernement, des prêts bancaires. D’autres ont du mal à se maintenir.
Avant de partir, on nous convie à un pot, avec un gâteau à la crème qui ne tente pas tout le monde, accompagné de deux petits gâteaux secs ; et on nous offre un cadeau, une écharpe de bienvenue.

Puis nous reprenons notre car pour aller à Chandrapadi. C’est entre Erukatancherry et Chandrapadi que nous voyons ces terres autrefois cultivables qui ont été transformées en bassins d’élevage de crevettes.
A Chandrapadi, nous commençons par la visite du lycée. Il va ouvrir à la prochaine rentrée scolaire (juin 2007) avec dans un premier temps 5 niveaux (de la sixième à la seconde) et ultérieurement 7 niveaux (6e à Terminale). Le bâtiment principal comporte 4 classes au rez-de-chaussée et 4 classes à l’étage. Un autre bâtiment plus petit est réservé aux travaux pratiques.

Batiments en construction à Chandrapadi

Le terrain (acheté par DEMAINS)et les bâtiments (construits par une autre association) sont la propriété du gouvernement qui assurera le fonctionnement du lycée.
Pendant la visite, Samuel me parle de son centre pour enfants handicapés. C’est cette activité qui l’a mis en relation avec PCTC. Après le tsunami, Xavier a organisé un recensement des personnes handicapées dans la région de Tranquebar. Aucun centre d’intervention auprès des handicapés n’existant, PCTC a formé la petite équipe de TREE et soutenu le développement du centre de soins de jour pour les enfants atteints d’infirmité motrice cérébrale ou de retard mental. Il y a 15 enfants qui vivent au centre de soins de TREE, 10 qui vivent à l’extérieur et Samuel a 2 enfants, c’est à dire, en tout, 27 enfants, comme il aime dire. On sent qu’il est attaché à ses enfants comme Peter Daniel aux siens.
La seconde subvention de la Fondation de France va permettre la construction d’un centre en dur, construction rendue nécessaire par une nouvelle loi qui impose que tous les bâtiments qui accueillent des enfants soient en dur. Cette loi a été votée à la suite d’un incendie dans lequel plusieurs enfants sont morts.
Nous montons sur le toit en terrasse du lycée. Dans le terrain qui s’étend derrière le lycée, un ensemble de maisons est en cours de construction. Il s’agit de maisons qui ressemblent davantage aux nôtres (parallélépipèdiques). A côté de chacune, on voit un grand réservoir cylindrique destiné à recueillir l’eau de pluie. Ces maisons sont pour les pêcheurs. Dans ce village, il n’y a qu’une cinquantaine d’intouchables.
Une réception nous attend dans une petite salle municipale. Nous passons devant l’école, à l’entrée de laquelle est affichée ceci : « SSA Objectives :
• All children in School, Education Guarentee, alternative school, "Back to school" Camp by 2005.
• Bridge all gender and Social category gaps at primary Stage by 2007 and at elementary education level by 2010.
• Universal retention by 2010.
• Focus on elementary education of satisfactory quality with emphasis on education for life. »
Dans cette école, la subvention de la Fondation de France a permis de créer un jardin de plantes médicinales et d’acheter des livres traitant de la reconnaissance des plantes , de leurs différents usages et de la fabrication de médicaments simples pour les affections courantes.
Nous passons aussi devant un réservoir métallique cylindrique qui porte cette autre affiche :
« Government of India
Drinking water by ro-desalination
For tsunami affected area
Chandirappady-TamilNadu
Plant Capacity : 5000 liters/day
Courtesy : Bhabha Atomic Research Center
Mumbai - 400 085 »
De nouveau, on nous donne le cadeau traditionnel, une petite écharpe de bienvenue, en plus d’un soda. Xavier nous explique que les gens nous sont particulièrement reconnaissants parce que personne, ni le gouvernement, ni la Fondation de France, ni aucune autre association, ne voulait donner le terrain. (Pourquoi ? Parce qu’ensuite, on ne peut pas montrer des photos très spectaculaires ?)

Avant de quitter Tharangambadi, nous allons voir la plage, lieu du drame. Le ciel est gris, le temps un peu brumeux. Une ligne de bateaux , rangés serrés, perpendiculairement au rivage, s’étend presque jusqu’à perte de vue. Je me demande s’il y en avait autant avant. Les bateaux sont là parce que les pêcheurs sortent la nuit et ne travaillent pas pendant la journée. Ils n’étaient pas rentrés lorsque la vague est arrivée à six heures du matin. Sur notre droite, il y a un bois d’épineux. Xavier m’explique que les morts ont été particulièrement nombreux ici à cause de ce bois. Quand les gens ont vu l’eau revenir, ils ont couru vers le bois pour s’y réfugier mais à l’intérieur du bois, ils ont été emportés par l’eau et projetés contre les arbres.
Nous hésitons à déjeuner ensemble mais je trouve plus raisonnable de le laisser aller prendre un bus qui lui permettra d’être de retour chez lui ce soir. Et nous-mêmes avons de la route à faire. Nous nous quittons donc sur la plage de Tharangambadi.

Françoise Levesque